Si les États-Unis font face à la « Big Resignation », avec environ 15% des actifs américains qui ont démissionné entre avril et septembre 20211, le phénomène ne s’arrête pas à l’outre-mer. En effet 41% des actifs dans le monde déclaraient en janvier envisager une démission dans l’année à venir2.
Et si le Covid a été un accélérateur de ce mouvement, il n’est pas le seul facteur d’explication.
Est-ce une fatalité ? Non. En comprenant les raisons de leur départ, les entreprises peuvent trouver les clés pour retenir leurs employés. Et nous allons le voir, cela passe avant tout par la construction d’une vision de marque claire et des actes venant porter cette vision.
4 évolutions clés
Le Covid et le télétravail
Souvent testé à petite dose avant 2020, l’accélération du télétravail a été brutale avec les premiers confinements.
Aujourd’hui après 2 ans de pratique, il a montré ses forces et ses faiblesses, que ce soit en termes de productivité, de liens sociaux ou d’un rapport vie pro/vie perso réinventé.
Ce qui est sûr c’est que garder une forme de télétravail est un pré-requis pour beaucoup d’employés. 70% des travailleurs veulent en effet avoir l’option de télétravailler2, mais la tendance est encore plus forte chez les jeunes générations avec 40% des Millennials et des Gen Z qui se déclarent prêt à démissionner si leur entreprise leur impose de revenir à temps plein1.
De nouveaux modes de vie se sont par ailleurs dessinés pour une partie des travailleurs avec la montée des « digital nomades » : ils travaillent à distance tout en voyageant à travers le monde, ils se retrouvent dans des hôtels, auberges ou villas qu’ils louent ensemble et créent une communauté à part entière. Une offre dédiée se développe pour les aider à s’organiser comme l’outil Mixmax qui permet de prendre en compte l’heure locale de chaque participant d’une réunion.
Pour beaucoup le télétravail s’accompagne d’une réinvention de la gestion de leur temps, avec des horaires plus flexibles et une porosité plus grande entre travail et vie privée. C’est une des raisons pour laquelle il est plébiscité, mais c’est aussi une des raisons qui expliquent l’augmentation du risque pour la santé mentale des travailleurs. Cela n’a pas échappé aux entreprises qui se positionnent de plus en plus comme en partie responsable du bien-être de leurs employés. Cependant, quand on sait que la moitié des Américains déclarent avoir déjà quitté leur emploi pour des raisons de santé mentale, on comprend que la plupart des entreprises n’ont pas encore trouvé la bonne formule.
1 actif sur 6 a pleuré avec un collègue cette année2
La RSE ça n’est pas que pour les consommateurs
Près de la moitié des Millennials et des Gen Z choisissent aujourd’hui leur travail en fonction de leur éthique personnelle3. Les valeurs portées par l’entreprise, la manière dont elle se comporte avec ses employés mais aussi ses clients et ses consommateurs va venir peser dans l’attractivité des employeurs.
Plus qu’un grand nom, ou un salaire élevé, les travailleurs cherchent un travail derrière lequel ils pourront mettre du sens, et n’hésitent pas à faire des recherches avant de postuler. Cela explique en partie l’attrait croissant pour les start-ups ou pour le statut d’indépendant avec un nombre historique de créations d’entreprises en France en 20214.
La culture d’entreprise est plus importante que le salaire,
c’est ce que pensent la moitié des sondés d’une étude de Glassdoor5
Il y a plus d’un métier dans une vie
Si l’on revient 20 ans en arrière on voit une vraie évolution sur le nombre d’emplois différents occupés, les générations précédentes changeaient peu d’entreprise et encore moins de métier6. Maintenant les actifs veulent du changement ! Si bien que certaines entreprises déclarent savoir que leurs employés ne resteront pas plus de 2 ans ou organisent des rotations de poste régulière pour éviter un trop grand turnover.
La reconversion professionnelle concerne aujourd’hui 1 actif sur 2 en France, avec un quart d’entre eux qui envisagent de complètement changer de voie et d’apprendre un nouveau métier7.
La raison principale de ce souhait de changement ? L’ennui et le manque de sens au travail.
78% des jeunes disent en avoir assez des emplois dénués de sens et aspirent à des emplois qui auront un impact réel8
Le mouvement Balance ton …
Le mouvement me-too n’a pas fini de faire le ménage dans les entreprises, ce qui montre malheureusement l’ampleur du problème mais qui donne aussi un espoir quant à un futur avec moins d’environnements toxiques. Que ça soit à cause d’entreprises accusées de laisser faire le harcèlement sexuel comme Ubisoft ou le harcèlement moral et physique révélé dans d’autres comme Activision Blizzard, les scandales n’en finissent pas de tomber.
Des initiatives comme l’Instagram Balance ton Agency (où des témoignages d’employés d’agences de communication sont publiés) ont secoué des industries entières et ont mis à l’écart certaines entreprises toxiques qui n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour arrêter cette culture d’entreprise. Cela a entrainé des vagues de démission dans les entreprises concernées.
Une vision, des actions : la clé du succès
Poser sa vision d’entreprise
Les marques petites et grandes sont aujourd’hui presque toutes conscientes de l’importance de poser une plateforme de marque claire : de réfléchir autour de la raison d’être de la marque, de son positionnement par rapport à ses concurrents, de sa personnalité etc.
Et pourtant trop souvent cette plateforme ne tient pas compte de l’interne, de la marque en tant que fédérateur pour les employés et tout l’écosystème qui l’entoure.
Or quand on sait l’importance pour un candidat potentiel d’adhérer aux valeurs de l’entreprise à laquelle il postule, il est dommage de ne pas y réfléchir plus et de ne penser sa vision en prenant en compte uniquement ses consommateurs ou clients.
77 % des candidats se renseignent d’abord sur la culture d’une entreprise avant d’y postuler5
Certaines entreprises choisissent de réfléchir à cette vision holistique et certaines vont plus loin en créant des Culture Book pour expliquer la culture de l’entreprise et ainsi partager une vision commune de celle-ci avec leurs employés. En rendant publique ces Culture Books, elles donnent aussi une vision claire de la culture à leurs potentiels candidats. C’est le cas par exemple de LinkedIn : https://www.slideshare.net/PatWadors/linked-in-culture-deck
Quand les trois quarts des cadres déclarent ne pas comprendre la culture de leur organisation, cela semple une nécessité10.
Mettre sa vision en action
Poser sa vision et sa plateforme de marque en tenant compte de l’interne ne suffit cependant pas.
Combien de nouveaux employés, séduits par un Instagram fourni de photos de bureaux attrayantes ont été déçus en arrivant de constater une culture toxique, une ambiance pesante ou une vision d’entreprise drivée uniquement sur le profit sans prise en compte de la RSE ?
49 % des ruptures de contrat au cours des premiers mois ont pour cause des divergences de points de vue par rapport à la culture de l’entreprise11
Beaucoup d’actions visibles ont été prises les deux dernières années, notamment en ce qui concerne le bien-être mental des employés, que cela soit via des abonnements gratuits à des applications de méditation chez Doctolib, la formation de « mental helpers » chez Heinz ou la mise à disposition de psychologues chez Publicis.
Cependant mettre en action sa vision ne s’arrête pas là. Celle-ci doit être visible et ressentie dans chacune des actions et décisions prises, notamment par les managers.
Pour ne citer que quelques exemples : c’est le cas d’agences qui choisissent de ne pas travailler avec certains clients, à cause de leur activité ou à cause de leur attitude envers les employés de l’agence, c’est le cas d’entreprises qui s’engagent pour l’égalité Homme-Femme et qui proposent des congés parentaux de 14 semaines (Kering par exemple) ou le cas d’entreprises du petcare qui vivent leurs valeurs jusqu’au bout en laissant leurs employés amener leurs animaux au travail ou qui leur proposent des congés pour l’adoption de leur chien.
En conclusion
Face aux changements structurels de notre société, les entreprises doivent agir pour rester attractives face à des générations en quête de sens. Cela passera nécessairement par deux éléments clés : poser une vision claire pour l’entreprise et agir en cohérence avec cette vision.
Rachel Wagner, Strategic Planner