Sans le Covid-19, cet article n’aurait peut-être pas vu le jour ! En effet, malgré tous les effets délétères pour notre moral — provoqués par les restrictions de liberté, les épisodes d’isolement et les nouvelles tragiques —, la pandémie aura eu au moins le mérite d’attirer notre attention sur la problématique de la santé mentale dans notre société. Jusqu’à présent, ce sujet était négligé, incompris, voire dédaigné. Presque tabou. Le plus souvent, on cachait son mal-être et ses failles, parfois à soi-même et surtout aux autres. Plus maintenant. Dans le sillage d’artistes et de sportifs qui n’hésitent plus à casser leur image lisse et à assumer leurs difficultés psychologiques, une libération de la parole s’est enclenchée. Celle-ci trouve un écho important dans la culture, où la thématique de la santé mentale est abordée, des séries TV (En Thérapie, Euphoria…) jusqu’à la littérature jeunesse (Les émotions de T’choupi…), pour aider les enfants à reconnaître et verbaliser leurs émotions.
Ce nouveau regard porté sur la santé mentale bouleverse les usages : la santé mentale, il faut en prendre soin et ce, tous les jours, comme pour la santé physique. La séparation entre les deux est d’ailleurs moins stricte pour adopter une approche plus holistique. La santé mentale ne relève plus uniquement de la pathologie mais d’un “état de bien-être” (pour reprendre un bout de la définition de l’OMS) à entretenir. Institutions, comme la Sécurité Sociale qui rembourse désormais 8 séances par an chez un psychologue, et particuliers en prennent peu à peu conscience.
Face à un phénomène d’une telle ampleur, les marques ne peuvent rester passives, d’autant que 58% des Français attendent qu’elles prennent la parole sur le sujet de la santé mentale, comme elles peuvent le faire sur d’autres sujets sociétaux (étude Logic Design 2022). Ainsi, Maybelline, en partenariat avec l’UNAFAM, a lancé “Brave Together”, un programme de lutte contre l’anxiété et la dépression chez les jeunes. L’année dernière, la principale initiative se concentrait sur la sensibilisation et formait ainsi les participants à repérer les signes de mal-être chez leur entourage et à agir. Cette année, l’enjeu est de montrer qu’en cherchant de l’aide, on peut aller mieux. Pour cela, Maybelline s’appuie de nouveau sur des témoignages de célébrités/influenceurs mais aussi sur ceux de citoyens anonymes qui partagent leur propre histoire.
D’autres n’hésitent pas à placer la problématique de la santé mentale au cœur de leur marque. Par exemple, Asics (qui est l’acronyme de la locution anima sana in corpore sano, un esprit sain dans un corps sain et pour qui la santé mentale est donc au coeur de la marque dès sa création) a récemment adopté la signature “sound body, sound mind”. Ce recentrage sur les fondamentaux de marque s’accompagne d’actions de communication pour promouvoir une vision du sport d’abord centrée sur le bénéfice bien-être qui en découle plutôt que la performance pure. Asic propose d’ailleurs à ses athlètes sous contrat des consultations avec des coachs psy pour les assister au quotidien dans leur préparation.
Face aux enjeux de santé mentale, certaines marques sont obligées de limiter les effets négatifs de leurs produits et services. Beaucoup de réseaux sociaux ont dû intégrer des garde-fous à leur expérience pour atténuer les phénomènes d’addiction, de burn-out ou d’harcèlement. Par exemple, Youtube a supprimé le compteur de dislikes sur ses vidéos pour protéger les auteurs de contenu. Instagram cherche aussi à masquer le nombre de likes sur les posts pour faire baisser la pression sur les utilisateurs. En juillet 2021, Pinterest a pris la décision d’interdire toutes les publicités sur la perte de poids afin de lutter contre la dysmorphophobie. Un an après, les recherches contenant le terme « perte de poids » ont diminué de 20 %. Dans le monde physique, grandes surfaces et centres commerciaux proposent désormais des « heures calmes », où l’intensité sonore et lumineuse est fortement réduite, pour être plus inclusif pour les personnes sensibles.
La santé mentale et la gestion de ses émotions ont pris une telle importance pour les consommateurs que certaines marques bouleversent leurs segmentations pour mieux correspondre aux attentes. Particulièrement sur des produits ou services ayant un impact direct sur le bien–être. Ainsi, Spotify crée des playlists en fonction de l’état émotionnel ressenti ou recherché par l’utilisateur, plutôt que de rentrer par des styles de musique. Cette approche est tellement pertinente qu’elle est même devenue une plateforme de communication pour le géant du streaming. Spotify a toujours une playlist qui correspond à votre état d’esprit. L’entreprise a même récemment déposé un brevet pour une technologie capable de déceler les émotions dans la voix de ses utilisateurs. Le monde du sport connaît le même changement, comme le montrent deux exemples assez similaires. Nike a intégré une section “Mind Sets” dans son app d’exercices sportifs : plutôt que de travailler une zone musculaire spécifique ou un bénéfice physique / physiologique (ex : cardio), vous pouvez choisir parmi des programmes comme “anxiété” ou “détermination”. La marque Peloton propose également des cours de sport sur le même principe : de la playlist aux exercices, en passant même par l’instructeur, tout est pensé en fonction de l’état émotionnel ressenti comme la nostalgie, la non-motivation, etc. Segmenter son offre en fonction de la santé mentale et du bien-être permet à toutes ses marques d’interagir avec leurs utilisateurs sur un plan plus émotionnel, ce qui constitue un facteur d’engagement puissant.
Enfin, le changement de paradigme à propos de la santé mentale crée de nouveaux usages – alors que la santé mentale relevait auparavant de la sphère de la pathologie médicalisée, elle est perçue aujourd’hui comme un bien-être à travailler au quotidien. Les aliments, boissons et compléments fonctionnels s’enrichissent de nouveaux bénéfices, centrés sur le bien-être psychologique. Les wearables, auparavant dédiés à l’état physique et physiologique (qualité du sommeil, rythme cardiaque, nombre de pas) mesurent de plus en plus des données liées à l’émotionnel. Ainsi, la montre Amazon Halo est capable de vous dire à quel moment de la journée vous avez été le plus enjoué grâce à l’analyse constante de votre voix. Plusieurs magasins ouvrent également des corners dédiés à la santé mentale, voire des concepts stores, où un ensemble de produits, services, expériences et experts sont disponibles pour prendre soin de soi au quotidien. La santé mentale n’est plus une préoccupation épisodique mais bien une affaire de tous les jours.
Les tendances liées à la santé mentale engendrent aujourd’hui des contraintes mais aussi des opportunités sur lesquelles les marques ne peuvent plus faire l’impasse. Cela devient un sujet brûlant de société. Les consommateurs sont de plus en plus conscients de leur état émotionnel et de l’importance d’en prendre soin, et ils attendent les marques sur ce terrain. Dans presque tous les secteurs. Attention cependant à ne pas faire n’importe quoi. Les initiatives les plus abouties ont pour qualités principales la sincérité, l’humilité, l’empathie, la cohérence et le collectif. C’est ce que nous avons appris en interrogeant un ensemble varié d’acteurs (psychologues, directeurs marketing / communication, dirigeants de festivals dédiés à la santé mentale, fondateurs de start-ups) impliqués sur ces problématiques et au plus près du terrain. Si la thématique reste toujours aussi délicate, tous ont témoigné de l’impact positif que leur travail respectif peut avoir à leur échelle sur la société et combien il est primordial pour eux de continuer. À votre tour de vous lancer ?
Cet article est basé sur la conférence “Branding is Caring : Les marques face à la problématique de la santé mentale” réalisée par Logic Design. Si vous souhaitez en savoir plus, avoir accès à la conférence entière ou à notre étude propriétaire, ou encore nous solliciter sur une problématique spécifique sur ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.