Face à la situation inédite, nous instaurons un nouveau moment de partage. Chaque semaine un de nos collaborateurs nous livre sa pensée et son ressenti. Aujourd’hui, Fabrice Renard, Directeur de Création, répond à nos questions devant son mur en briquette, sous les toits d’un immeuble parisien, confiné et… ensemble !
Comment le métier est-il en train d’évoluer ?
J’ai l’impression que nous revenons à la quintessence même du métier de designer, avec l’obligation de travailler sur des leviers clés tels que l’écoute et l’anticipation.
Le contexte contraint les entreprises à se métamorphoser pour aller à l’essentiel, une des clés du design. Nous devons revoir notre organisation, nos mécanismes, nos méthodes pour nous adapter à des circuits courts. L’agilité, déjà très tendance avant le confinement, devient un modus vivendi d’adaptation permanente pour nous recalibrer au jour le jour.
En tant que designer, nous sommes comme des éponges qui absorbons les informations et les signaux qui nous entourent. Plus que jamais, nous devons nous adapter au client, écouter au-delà de la curiosité, prendre en compte la parole des uns et des autres pour en sortir le meilleur.
Au moment du confinement, mon premier réflexe a été d’explorer l’étymologie du mot et j’ai eu envie de prendre le mot au sens transitif « aux confins », comme une recherche des limites extrêmes de la créativité. La quête d’autre chose. La crise actuelle pousse à faire différemment, à s’ouvrir, à découvrir. Au niveau de l’agence, nous avons ainsi intégré de nouveaux logiciels de workshop, d’échanges qui viennent élargir, de façon complémentaire et pérenne, notre offre client. A titre personnel, je me forme au Social Listening qui me paraît vital pour agir sur la marque, l’aider à écouter, prévoir, évoluer. Pour vraiment connaître les gens, il faut savoir capter les signaux faibles et les ressentis. J’ai beaucoup aimé par exemple les billets d’humeur sur les fruits de St Mamet qui permettent de faire passer plein de messages, d’agir sans tomber dans le corona-bulshit. Les marques que l’on retiendra seront celles qui réussiront à nous « marquer » par leurs actions durant la période actuelle.
Qu’est-ce qui vous interpelle le plus dans la pratique du métier par temps de confinement ?
Avec le confinement, fini le « beaucoup de bruit pour rien ». On n’est plus dans la réunionite, la palabre, l’occupation d’espace, mais dans le choix, la décision, l’action, et c’est la situation actuelle qui en est le moteur. Le « j’ai pas le temps » a laissé place à « j’ai le temps, je le fais », avec un profond besoin de changer la donne, de prendre le lead, d’intervenir, d’agir !
Loin d’avoir coupé les liens, le confinement révèle les individus. Je constate une évolution du management, avec une dimension de leadership individuel très intéressante. La contrainte crée la capacité. Le confinement encourage la prise de parole et l’authenticité. Dans un groupe, chacun devient moteur d’un projet pourtant atomisé, chacun exprime ses pensées, ses idées et participe en mode « entrepreneur ». Les interventions et les rendus sont plus précis, dans la logique de la Gestalt où « le tout est différent de la somme de ses parties » : à partir d’un environnement complexe, chacun simplifie et structure les informations pour contribuer à un tout. On revient à l’essentiel, au sens, à la synthèse, avec un rendu plus riche qu’une simple addition d’expertises. C’est ce que nous avons notamment expérimenté sur Vittel, avec une présence très forte, un désir de participation et une justesse de communication de la part de chaque membre de l’équipe. Au final, nous étions comme un seul Homme, sûr de notre réponse.
Comment le design peut-elle être utile à la société actuellement ?
J’aime bien la cohésion sociale renforcée par le confinement. Si j’ai voulu faire ce métier au départ, c’est pour son objectif sociétal. Le design industriel a pour vocation de satisfaire le plus grand nombre, et c’est encore plus vrai dans une démarche RSE. Même au niveau de nos institutions, je perçois un glissement du pouvoir public, vers la puissance publique, une très belle idée qui intègre les individus et crée une effervescence du public. Car j’ai le sentiment que oui, les gens ont envie de positiver, de réagir ensemble, plutôt que de camper sur leurs positions et leur opinions tranchées. Tout le monde dans la même barque. Tout le monde derrière les mêmes messages : rester chez soi, applaudir au balcon… A l’échelle de l’entreprise comme de la société, avancer devient une démarche collective.
Et ce qui se passe au niveau de la société et de l’entreprise, se passe aussi au niveau local. Chacun veut participer, être présent et utile, à sa manière. La mixité et les liens intergénérationnels sont favorisés. Dans mon immeuble par exemple, une terrasse a été fabriquée dans la courette et transformée en lieu de vie pour tous. Je discute avec des personnes avec qui je n’aurais jamais pensé échanger. Je me suis remis à la peinture et compare avec un autre voisin peintre, de terrasse à terrasse, l’avancée de nos travaux. J’ai pratiquement vidé ma cave à force de faire des apéros virtuels. Mon fils a créé une plateforme pour discuter avec ses copains. Tous les soirs, un groupe de musiciens joue sur les toits. Bref, c’est la fête des voisins tous les jours. Chacun participe et prend la parole différemment.
Finalement, nous sommes atomisés mais plus liés que jamais.
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A la semaine prochaine, pour un nouveau regard, d’un autre espace confiné. D’ici là, prenez soin de vous !
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